Une météo malienne très irrégulière pousse les filles vers des emplois de domestiques risqués

  • By Soumaila Diarra
  • 30/03/2018

Sitan Coulibaly (à droite) lave du linge à Bamako, Mali, 12 février 2018. Fondation Thomson Reuters /Soumaila Diarra

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BAMAKO - Balayer le sol, aller chercher de l’eau, laver les enfants, faire la cuisine... la journée de Sitan Coulibaly, domestique à Bamako, commence dès 6 heures du matin et s’achève bien après la tombée de la nuit.

Cette jeune fille de 17 ans a l’habitude des travaux pénibles, cultivant le mil dans la ferme familiale à Babougou, au centre du Mali.

«Je ne suis pas rentrée chez moi depuis plus de cinq mois », dit-elle, tête basse tandis qu’elle s’exprime. «Je suis partie avant que la saison des récoltes ne commence, il n’y avait rien à ramasser de toute façon».

Des sécheresses prolongées et une météo imprévisible détruisent une part toujours grande des récoltes à travers ce pays africain du Sahel.

Cela conduit plus de familles à envoyer durant la saison maigre leurs filles gagner de l’argent dans les villes. Elles travaillent souvent comme domestiques, tandis que les garçons trouvent un emploi saisonnier comme vendeurs de rue ou mineurs d’or.

A travers le monde, les migrations s’amplifient au sein des familles frappées par les régimes météo changeants, les catastrophes, les conflits et autres tensions.

Dans certaines des régions les plus pauvres du monde, les temps difficiles signifient que les enfants, tout comme les adultes, se voient contraints de quitter la maison pour trouver du travail, d’où parfois une séparation avec leurs familles, des risques d’abus et une perturbation dans leur éducation.

A Bamako, la majorité des filles migrantes sont employées comme domestiques de décembre à juin avant de revenir à leur ferme. Mais l’année dernière, une saison des récoltes particulièrement maigre a entraîné des départs dès le mois de septembre, selon des familles de cultivateurs.

L’année dernière, les précipitations « étaient pire qu’avant », dit Baba Sogoré, qui récolte du riz à Ségou.

«Le gouvernement nous a même demandé d’arrêter de faire pousser du riz hors saison car la rivière est trop sèche pour irriguer les champs, a-t-il expliqué à la Fondation Thomson Reuters.

Agnès Dembélé, qui dirige APAFE Muso Danbé, une ONG malienne qui travaille à l’amélioration des conditions de travail des jeunes migrantes, explique que les filles des exploitations agricoles qui vont en ville à la recherche d’emplois domestiques, cela « n’a rien de nouveau ». 

«Mais du fait de conditions météo plus sévères, nous voyons plus de filles venir de tout le pays vers des grandes villes comme Bamako», ajoute-t-elle, estimant leur nombre à des dizaines de milliers.

MAUVAISES CONDITIONS DE TRAVAIL

Tandis que les emplois de domestiques permettent à des jeunes filles maliennes d’envoyer de l’argent à leur famille, cela les entraîne souvent dans des conditions de travail abusives, dit Dembélé.

«Les employeurs savent que les filles sont désespérées alors ils en profitent pour les voler, les maltraiter, voire les violer », explique-t-elle.

Oumou Samaké, qui travaille comme domestique à Badalabougou, un quartier huppé de la capitale malienne, dit que son patron la rabaisse et l’insulte régulièrement. Il déduit de l’argent de son salaire quand il n’est pas satisfait de son travail.

«Au moins, il ne m’a pas encore frappée », soupire-t-elle, entourée d’un groupe d’autres domestiques dans la rue, leur journée de travail finie. «Si je change pour une autre famille, ce sera pareil ou même pire ».

La situation précaire de sa famille ne lui donne pas vraiment le choix, poursuit Samaké.

« Je m’inquiète pour mes parents et sept frères et soeurs. Je ne sais pas s’ils mangent, ils n’ont rien récolté », explique la jeune fille de 16 ans.

« C’est pour ça que je leur ai envoyé 10 000 francs CFA (environ €16) chaque mois pour qu’ils achètent un peu de riz et de millet ».

La plupart des filles comme Coulibaly et Samaké retournent dans leurs villages et sont mariées à l’âge de 16 ans, une partie de leurs salaires de domestiques  servant à payer leur dot, dit Agnès Dembélé.

Un indice de l’ONG Save the Children de 2017 classe le Mali comme l’un des trois pays les plus affectés dans le monde  (sur les 172 évalués) sur le sujet des enfants risquant  mariages et grossesses précoces, arrêt prématuré de leur éducation et autres menaces. 

PROTEGER LES JEUNES FILLES

Le manque de processus de recrutement formel et de contacts dans les zones urbaines fait que les filles déplacées sont plus vulnérables à l’exploitation, selon Dembélé.

Samaké dit qu’elle ne connaissait personne en arrivant à Bamako et a cherché du travail en faisant du porte à porte.

«Mon patron m’a dit qu’il me paierait 10 000 francs CFA car c’est ce que les autres filles reçoivent », explique-t-elle.

Pour aider les filles à négocier un meilleur salaire et réduire les pratiques abusives, APAFE Muso Danbé fait office d’intermédiaire et trouve un employeur dans sa base de données riche de 300 familles. L’association rédige également un contrat de travail.

« Avec un contrat, le salaire des filles oscille entre 10 000 et 50 000 francs CFA par mois (€16-€80), au lieu de seulement 10 000 normalement », dit Dembélé, qui ajoute que l’ONG leur offre une formation de cuisine et de nettoyage afin de les rendre plus employables. Les deux parties signent également un code de bonne conduite. 

«La domestique s’engage à signaler tous les objets cassés et à ne pas gâcher de nourriture, tandis que l’employeur renonce à toute violence physique ou psychologique», explique Dembélé.

L’organisme alerte également les autorités locales en cas d’abus et de violence et aide les victimes à porter leur cas devant la justice.

Thomas Martin Diarra, qui travaille également pour une organisation non-gouvernementale, raconte qu’il a récemment eu le cas d’une domestique dont la tête a été cognée contre le mur par le fils de son employeur «simplement parce qu’il ne l’aimait pas ».

«Nous avons référé son cas à la police », explique-t-il. «L’affaire est en cours mais les blessures de la jeune fille ont été soignées ».

D’après Dembélé, une des priorités de l’équipe est également l’éducation des filles. «Nous essayons d’inciter celles qui ont un niveau basique à poursuivre leurs études ».

«Idéalement, elles n’auraient pas à travailler comme domestiques mais au moins, nous nous assurons qu’elles n’ont pas à payer pour leur formation et leur éducation ».  

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