Temps de ravitaillement pour les banques de céréales

  • By Soumaila Diarra
  • 15/03/2017

Sidi Samaké et N'To Coulibaly dans la banque de céréales de Ouélessbougou, au Mali, le 12 février 2017. TRF/Soumaila Diarra

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OUELESSEBOUGOU, Mali - Sidi Samaké est une figure bien connue des habitants du village de Ouélessebougou au Mali. Il gère une banque…de céréales.

Même s’il réside dans un village à 15 km de là, il veille scrupuleusement sur le vieux magasin datant de l’époque coloniale, aujourd’hui transformé en banque de céréales.

"Je quitte mon village chaque vendredi pour venir l’ouvrir afin que les céréales ne pourrissent pas," explique-t-il.

Les banques de céréales ont été développées dans les pays du Sahel depuis les vagues de sécheresse des années 1980.

Selon le Commissariat à la Sécurité Alimentaire, plus de 2 millions de personnes (soit 13% de la population) sont en insécurité alimentaire au Mali.

"Pour la période de juin-août, ce nombre grimpera à plus de 3 millions de personnes," déclare Oumar Ibrahim Touré, le ministre Commissaire à la sécurité alimentaire.

Dans le sud du Mali, la peur au ventre, on attend la prochaine période de soudure la faim côtoie les travaux champêtres dans plusieurs villages.

Au fond du magasin mal éclairé par la lumière diurne, on distingue une vingtaine de sacs de maïs superposés. Mais le gestionnaire de la banque de céréales attend la livraison de 8 tonnes de céréales, une tache confiée à des acheteurs devant s’approvisionner dans les 40 villages de la commune de Ouélessebougou.

Actuellement, les prix des céréales sont bas sur les marchés locaux, le kilo du sorgho étant cédé à 100 francs CFA (comparé à 300 francs CFA en période de soudure) par certains paysans qui ont besoin d’argent.

"Les cultivateurs vendent à bas prix maintenant pour faire face à des dépenses comme les impôts, les mariages et bien d’autres nécessités," commente Moussa Samaké, le président de la Chambre d’agriculture communale.

Pourtant, les récoltes n’ont pas été abondantes chez certains cultivateurs, en raison de l’irrégularité des pluies. "Plusieurs paysans ont fait une mauvaise récolte car ils n’ont commencé à semer que tard en juillet (à cause d’une une poche de sécheresse dans la région)."

"Et ceux qui ont cultivé dans des champs situés dans les bas-fonds et autres zones de stagnation des eaux ont fait de bonnes récoltes; les autres n’ont pas eu grand-chose parce qu’il s’est arrêté de pleuvoir plus tôt avant que les cultures ne mûrissent," raconte Samaké.

Dans quelques mois (entre juillet et septembre), les commerçants feront grimper le prix des céréales lorsque les paysans auront fini de consommer leurs propres stocks.

"Au moment où les gens ont besoin de forces pour travailler dans les champs, la période de soudure commence. Rares sont des paysans qui peuvent vivre de leurs récoltes jusqu’a cette période," commente N’To Coulibaly, un élu de la commune de Ouélessebougou.

DES REGLES ET DEFIS

Les maires et préfets veillent au respect des règles établies comme l’interdiction de vendre avant la période de soudure. "Le but des banques de céréales est de permettre aux paysans d’avoir des vivres en deçà du prix fixé par les spéculateurs qui font exprès d’augmenter les prix lorsque les paysans n’ont plus de stock," indique Coulibaly.

Il dit qu’une des difficultés des banques de céréales est de surmonter les tentatives de sabotage des commerçants qui n’aiment pas les banques de céréales car ces dernières rognent sur leurs profits.

Il est interdit à une banque de céréales de vendre plus de trois sacs par jour à une seule personne, mais les spéculateurs ont recours à des subterfuges. "Un commerçant a soudoyé 10 femmes auxquelles il avait donné de l’argent pour acheter un sac de céréales chacune. C’est bien plus tard que j’ai découvert qu’un commerçant se cachait derrière ces femmes qui ont ensuite remis leurs achats au commanditaire," déplore Samaké.

Une autre difficulté de la banque de céréales de Ouélessebougou est la difficulté d’accès aux 50,000 habitants de la commune répartis entre 42 villages. Les autorités municipales souhaitent créer dans chaque village un magasin, ce qui rapprocherait le service de la population tout en réduisant le risque de vendre les stocks aux spéculateurs.

Une ONG travaillant au Mali pour le programme BRACED, l’IRD, a ouvert une ligne de financement dont bénéficient 280 villages maliens pour répondre aux risques climatiques. "Chaque village bénéficie d’une enveloppe d’un million de francs CFA par an; et certains villages consacrent ce fonds à la reconstitution du stock de leurs banques de céréales," explique Alassane Konaté, conseiller en entreprise et gestionnaire des fonds de résilience à l’IRD.

Selon Konaté, une des particularités des banques de céréales soutenues par l’IRD est que les villages ont plus accès à des céréales en dessous du prix des marchés pendant la période de soudure. "Ca permet aussi d’éviter aux paysans de brader leurs récoltes, parce qu’ils peuvent vendre une partie de leur production à un prix plus élevé que ce que propose le marché au moment des récoltes," commente Konaté.

"Ils décident par conséquent eux-mêmes de leur réponse aux risques climatiques."

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