Au sud de l’Ethiopie, les éleveurs se serrent les coudes pour régénérer les terres de parcours

  • Par Kizito Makoye
  • 06/12/2018

Des hommes coupent l’herbe pour la vendre comme fourrage pour animaux dans le district de Gatto, en Ethiopie, le 25 septembre 2018. Thomson Reuters Foundation/Libby Plumb

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DAR ES SALAM - En 2015, alors que l’Ethiopie connaissait sa pire sécheresse en 30 ans, les agriculteurs et les éleveurs des plaines vallonnées de la municipalité de Gatto avaient du mal à survivre.

La sécheresse est survenue après des années de déforestation, de dégradation de la terre et d’utilisation incontrôlée de l’eau - et la combinaison de tout cela a laissé les terres de parcours sur lesquelles les locaux comptent pour nourrir leur bétail totalement appauvries.

« Le sol a été érodé et nos forêts, détruites », dit Kifle Takeno, un agriculteur et éleveur de 57 ans du village de Dereje à Gatto, dans le sud-ouest du pays. 

Alors lorsqu’une autre sécheresse sévère a frappé la région plus tôt dans l’année, cela aurait pu être dévastateur. 

Mais cette fois, les villageois ne manquaient pas d’herbages pour nourrir leur bétail et surmonter la sécheresse.

Ce changement résulte d’une initiative pour persuader les agriculteurs de coopérer afin de restaurer les terres de parcours pour le bien de tous. 

Cette initiative, démarrée par l’organisme caritatif Farm Africa, organise les dirigeants des communautés en comités environnementaux chargés d’aider leurs voisins à protéger les ressources locales. 

Lorsque Takeno a entendu parler de cette démarche, initiée après la sécheresse de 2015, il a signé tout de suite.  

En tant que membre du comité de Gatto pour la zone riveraine - celle bordant les rivières et autres étendues d’eau - il a fait du porte-à-porte alertant sur les dangers de l’érosion des sols et expliquant aux agriculteurs les différentes techniques de restauration, comme par exemple de planter des herbes à croissance rapide. 

Trois ans plus tard, les habitants de Gatto disent avoir commencé à renverser la dégradation environnementale de la zone. 

« La terre arable fertile a été réhabilitée. Les pâturages nous rendent bien service. Les réserves fourragères nous ont permis de garder notre bétail », dit Takeno.

« Même les plantes médicinales que nous pensions disparues depuis longtemps sont réapparues ». 

 

GERER LES RESSOURCES

En plus de former les agriculteurs à des techniques pour régénérer les zones dégradées, les comités assument la responsabilité d’aider les communautés à contrôler leur usage des ressources naturelles. 

Chaque qebelé, constitué de plusieurs villages, crée un comité environnemental dont les membres sont choisis par les habitants du qebelé.

Les comités sont responsables de la gestion globale d’un bassin versant ou de terres de parcours données, en travaillant étroitement avec les autorités agricoles locales ou du district. Les comités adoptent des règlements pour régir la gestion des ressources naturelles dans leurs régions. 

Libby Plumb, une porte-parole de Farm Africa, dit que l’initiative - dans le cadre du programme pour la Construction de la Résilience et l’Adaptation aux Extrêmes climatiques et aux Catastrophes (BRACED) - a formé près de 500 leaders communautaires dans trois des neuf états régionaux de l’Ethiopie : l’Afar, le Somali et la Région des nations, nationalités et peuples du Sud (RNNPS).

Ensemble, les communautés gèrent de façon durable plus de 40 000 hectares de bassins versants, pâturages et forêts, dit-elle.  

 

NOUVELLES STRATEGIES D’ADAPTATION

Ces trois années d’efforts visent également à aider les familles à trouver des sources de revenus plus variées, à surmonter les effets de régimes météorologiques de plus en plus imprévisibles. 

Des foyers qui ont du mal à faire face réagissent en général à la sécheresse ou aux inondations en vendant leurs possessions comme le bétail ou en retirant leurs enfants de l’école - autant de « stratégies d’adaptation négatives », selon Libby Plumb.

L’effort de Farm Africa vise à montrer aux éleveurs pastoraux que d’autres options s’offrent à eux : ils peuvent prendre une assurance, constituer des associations d’épargne et de prêt et démarrer des entreprises durables pour avoir d’autres sources de revenus. 

Certains membres de la communauté produisent et commercialisent des fourneaux économes et d’autres ont commencé à vendre l’herbe qu’ils plantent afin de prévenir l’érosion des sols, dit Plumb. 

Ce genre de diversité économique joue un rôle important dans la construction de la résilience climatique, ajoute-t-elle.  

« De nouvelles sources de revenus ont permis (aux agriculteurs) de mettre de l’argent de côté, sur lequel ils peuvent se rabattre en cas de conditions météorologiques extrêmes ». 

 

PROGRES ET PROMESSE

A Gamo Gofa, dans la RNNPS, les villageois disent que les changements ont aidé à restaurer les forêts perdues et redonné vie à l’un des grands lacs de la région. 

La dépendance des résidents à l’égard du bois comme combustible avait déjà transformé une zone densément boisée en un paysage dénudé, disent-ils.

Les dernières années, ajoutent-ils, les fortes pluies ont dégradé les terres agricoles de la région, poussant une grande quantité de limon dans le lac Chamo.  

Mais désormais, les leaders de la communauté de Gamo Gofa enseignent à leurs voisins comment restaurer leur environnement, y compris comment allouer des portions de terre aux arbres autochtones et aux herbes à croissance rapide. 

« Les plantes ont été amenées pour aider à enrichir le sol et prévenir l’érosion », dit Wondifraw Baykedagn, un spécialiste de l’environnement auprès de Mercy Corps, un organisme américaine partenaire sur le projet. Les membres de la communauté ont planté plus de 50 000 arbrisseaux, dit-il.

« Fermer des parcelles de terrain a également permis aux arbres autochtones de croître de nouveau », dit-il. 

Mais à l’heure actuelle, il y a des limites pour tirer parti du changement, selon Plumb de Farm Africa.

Les efforts de restauration sont essentiellement centrés sur les zones densément peuplées, ce qui signifie que les agriculteurs des villages reculés doivent parcourir de longues distances pour rejoindre les pâturages réhabilités.  

La propriété constitue un autre problème, selon Plumb. 

Car il n’existe en général pas de documents officiels pour montrer les frontières des terres de parcours et des bassins versants, les communautés peuvent parfois entrer en conflit sur les droits de revivifier et utiliser une parcelle de terrain.  

Malgré les défis, les experts locaux et les agriculteurs disent que les techniques de restauration fonctionnent.

« Nous sommes très heureux de constater une telle différence », dit Leul Wolde, à la tête du Bureau de Développement des Ressources naturelles, un département des services de l’agriculture du district de Derashe.

« Cette récupération rapide a donné de l’énergie aux agriculteurs afin d’élargir la zone géographique et de réhabiliter d’autres terres appauvries », dit  Wolde.

Takeno, un membre du comité, dit qu’il se réjouit de l’opportunité d’aider les communautés voisines à repliquer les progrès « formidables » qu’il voit chez lui, à Gatto. 

« C’est notre action qui a détruit l’environnement», dit-il. Mais «nous avons travaillé ensemble pour trouver une solution ».

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