Quand le chat attrape le soleil: des prévisions traduites aident les fermiers

  • Par Laurie Goering
  • 09/05/2017

Juliana Dabire, une cultivatrice de coton, porte des brindilles de son champ pour faire des engrais organiques près du village de Gora, à 265 km au sud-est de Bobo Dioulasso, Burkina Faso. Archives de 2009. REUTERS/Katrina Manson

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Quand les agriculteurs du nord du Burkina Faso parlent de la direction du vent, ils font référence à la direction vers laquelle il souffle. Toutefois, pour l’agence météorologique du Burkina Faso, le vent est catégorisé selon la direction d’où il vient. 

Dès lors, lorsque les météorologues du pays alertent sur un vent fort de l’ouest, les fermiers découvrent qu’un vent d’est survient, ce qui amoindrit leur foi dans les prévisions. 

Mais un nouveau guide tente de résoudre ce problème et d'aider les fermiers à construire la résilience au changement climatique. Comment ? En traduisant les mots français et anglais communément utilisés dans les prévisions météo, les inscrivant non seulement dans les parlers locaux du Burkina Faso du nord mais aussi dans sa culture.   

Ainsi, le guide traduit le mot français et anglais "éclipse" (la partielle ou totale disparition du soleil ou de la lune) dans le terme bien plus imagé qu’utiliseraient les agriculteurs burkinabé pour décrire le phénomène, dit Malick Victor, un journaliste tchadien qui a dirigé le développement du guide de traduction. 

"Si je veux prévenir d’une éclipse sur la radio locale, je vais devoir dire que ’demain, selon les prévisions météo, le chat va attraper la lune ou le soleil’," dit Victor.

"Le langage utilisé actuellement (par les météorologues) est tellement technique et pas adapté à l’agriculteur ," dit-il. "Mais si vous délivrez le message de façon compréhensible pour eux, alors ils peuvent l’utiliser." 

TROP CHAUD POUR SORTIR ?

Le guide de Victor  – un dictionnaire de plus de 500 termes météo en français et en anglais avec les traductions équivalentes en langue mooré, fulfuldé et gulimancema, les trois les plus parlées du Burkina Faso du nord, résulte du programme de Construction de la Résilience et l’Adaptation aux Extrêmes climatiques et aux Catastrophes (BRACED), financé par le gouvernement britannique.

Le programme sur trois ans vise à donner aux personnes les plus exposées au changement climatique dans le monde, dans des pays allant du Myanmar (Birmanie) au Soudan du Sud, les outils nécessaires pour se préparer à une météo plus extrême et combattre des chocs climatiques plus fréquents sans tomber dans une pauvreté aggravée. 

Victor, qui travaille pour l’organisme de presse à but non lucratif  Internews dans le cadre de Zaman Lebidi, un projet BRACED conduit par  Christian Aid, en lutte contre la pauvreté, a commencé le guide l’année dernière en remarquant que les efforts pour délivrer de meilleurs bulletins saisonniers aux agriculteurs par le biais de programmes radio n’étaient pas efficaces. Et ce, en partie du fait de problèmes de traduction. 

Pour régler les problèmes, il a réuni des agriculteurs, des journalistes des radios locales, des chefs des communautés et des représentants officiels de l’agence météo. En l’espace de deux jours, tout ce monde a identifié 517 termes clé nécessitant une meilleure traduction. 

Au Burkina Faso, par exemple, des agriculteurs utilisent peu des termes comme hiver et été car ils divisent l’année en périodes caractérisées par des pluies et des vents différents, comme la période de l’harmattan, vent chaud du Sahara ou la période de la mousson. 

Les efforts pour informer des hautes températures ne servent pas non plus à grand chose pour les agriculteurs des régions reculées sans moyen de mesurer les températures, dit Victor.

"Mais si vous dites que si c’est un jour où vous pouvez sortir avec vos animaux ou pas, cela peut aider," dit-il. 

Le guide espère "enlever le risque de mauvaise compréhension" entre les météorologues, qui accusent les journalistes de mal interpréter les informations météo; les journalistes qui accusent les météorologues d’être imprécis; et les agriculteurs qui ne sont pas sûrs de pouvoir croire les infos qu’ils reçoivent. 

LANGAGE SIMPLE

Edmund Henley, qui a organisé l’assistance technique au projet des services météo britanniques (Met Office) explique qu’il ne s’agit pas de la première tentative de traduire les termes complexes de la météo dans d’autres langages.

Un site de l’Organisation Météorologique Mondiale, par exemple, offre par exemple des traductions de termes scientifiques en arabe, en mandarin, en russe et en espagnol, entre autres langues.  

Mais les efforts aux Burkina Faso tranchent par leur façon d’inclure les langues locales et aussi "par leur grande efficacité à traduire les choses en termes intelligibles pour les gens," dit Henley. "Ils ont du réfléchir en ces termes: ‘quel message voulons-nous passer?’"

Le guide recense en priorité des équivalents simples en français et en anglais pour des termes météo compliqués, ce qui signifie aussi une utilisation plus large de celui-ci par-delà les frontières du Burkina Faso, dit-il.

Le projet de traduction, soutenu par une douzaine d’organisations partenaires -- y compris l’agence météorologique burkinabé et d’autres instituts nationaux, les groupes de radio et télévision du pays, l’université King's College London et l’organisation caritative allemande Welthungerhilfe (WHH) – entreprend désormais de lister des abréviations des termes clé pour les téléphones portables.

Cette information météo mieux adaptée sera ainsi plus largement disponible par sms ou à la radio et télévision, dit Victor. "Avec des abbréviations, nous pouvons raccourcir le message," dit-il. "Nous savons que tous les agriculteurs dans les zones rurales n’écoutent pas la radio, ne lisent pas les journaux et ne regardent pas la télévision. Mais avec des sms, pas besoin de couverture radio." 

Le gouvernement du Burkina Faso, qui a encouragé le projet, a indiqué qu’il entendait réimprimer et distribuer plus largement le nouveau guide. Il espère étendre l’effort de traduction à d’autres des quelque 60 langues parlées dans le pays. 

Les termes déjà traduits sont inclus dans le programme scolaire national des écoles primaires cette année également, dit Victor. 

L’effort a également attiré l’intérêt d’autres projets fondés par BRACED au Niger, en Ethiopie et au Sénégal. Des journalistes espérant reproduire l’effort sur place, poursuit-il. 

"Tout le monde le veut," a-t-il dit au sujet du guide de traduction. 

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